LE MONDE Comment interprétez-vous la domination des clubs anglais sur la Ligue des champions cette saison ?Les clubs anglais ont des moyens financiers bien supérieurs aux clubs français. Il y a aussi une vraie culture du sport en Angleterre. Et j'ajouterai une autre pratique de l'arbitrage : tous les matches de championnat anglais sont, du point de vue athlétique, et non de la qualité technique, au niveau de ceux de la Ligue des champions. Les contacts ne sont pas sifflés comme en France, l'engagement des joueurs est total.
Et que pensez-vous de la domination de l'Olympique lyonnais en Ligue 1 ?C'est exceptionnel. L'OL, depuis six ans, c'est la meilleure attaque et la meilleure défense. Je connais bien ce club, je sais comment il a été construit, comment il fonctionne, comment il a grandi. Cette continuité est sa force. D'autres ont dominé le championnat, Bordeaux, Marseille ou Paris, mais ensuite ils ont subi des accidents de croissance : il leur a fallu tout reconstruire. Au lieu de critiquer ou de minorer la performance de l'OL, les censeurs feraient mieux de prendre modèle.
C'est un peu "Lyon et le désert français", cela vous convient ?Ce n'est pas la faute de l'OL si Paris, Marseille, Lens ou Bordeaux sont passés à travers. Lyon a perdu 12 points sur 15 en janvier. Personne n'a su en profiter. Je regrette bien sûr qu'il n'y ait pas de véritables concurrents. L'intensité de la compétition provoquerait une évolution du jeu, qui préparerait mieux les joueurs au niveau international. Pour la sélection, c'est un manque, je l'admets. La L1 souffre aussi de l'absence de grands internationaux, c'est certain. Les clubs ne peuvent pas les garder pour des raisons financières.
La suprématie des clubs riches vous inquiète-t-elle ?On est dans un foot à deux vitesses. Les clubs qui participent régulièrement aux 8es de finale des coupes d'Europe sont à peu près toujours les mêmes. Je constate. Je ne sais si c'est un bien, un mal. Avec les capitaux qui viennent de partout, on va vers une privatisation du football. On doit protéger ce sport contre l'argent et contrer la volonté d'hégémonie du G14. Je crains le circuit fermé que cherchent à constituer les 18 équipes qui forment ce groupe de pression. La mise en place de l'association des Ligues professionnelles de football est de ce point de vue une bonne chose. Mais aux responsables politiques européens de prendre aussi conscience des dangers qui pèsent : le football a aussi une fonction sociale auprès de millions de jeunes. Ne l'oublions pas.
Etes-vous favorable à l'indemnisation des joueurs en sélection ?Si la Côte d'Ivoire doit payer les indemnités de Didier Drogba, elle devra changer le budget de l'Etat ! Dans l'idée c'est bien, mais dans les faits seuls quelques grands pays auront les moyens de l'assumer. Mais si cette proposition est retenue, je préconise que les fédérations bénéficient d'une part du montant des transferts : car quand un joueur est coté par exemple 10, il peut valoir 100 après une Coupe du monde ou un championnat d'Europe.
Rythme des compétitions, calendriers surchargés, Robert Duverne, préparateur physique de l'OL et de l'équipe de France, a récemment souligné le risque de dopage dans le football. Les contrôles vous paraissent-ils suffisants ?Je suis contre la tricherie. Je suis favorable aux contrôles sanguins dans le football, comme pour tous les sports où il n'y en a pas, et ils sont nombreux. Mais je veux plus. Dans un sport individuel, celui qui est convaincu de dopage perd sa médaille et ses records. Dans une équipe de foot, un joueur qui a été contrôlé positif a favorisé son club. On devrait donc aussi sanctionner son équipe en déclarant le match perdu. Les dirigeants des clubs ou des sélections, les médecins, seront ainsi responsabilisés.
Etes-vous toujours candidat au poste de directeur technique national de la Fédération française de football ?Ce poste m'intéresse toujours parce qu'il a d'autres fonctions que le terrain. Une fonction sociale, en soutenant des opérations dont on parle peu, comme celles que nous menons pour sortir des gamins de leur quartier et les aider à trouver du travail grâce au football. Une fonction importante dans la formation des cadres. Et bien sûr en direction des sélections. Le poste de DTN et de sélectionneur sont compatibles, et complémentaires. Au DTN d'insuffler les idées, de mobiliser les bonnes volontés. Mais je ne mets le couteau sous la gorge de personne. Une décision sera prise par la Fédération, je ne suis pas en attente. Mon premier objectif est de qualifier les Bleus pour l'Euro 2008.